Caroline Lemoine

Photographe portraitiste - Yvelines

Portraits du deuil périnatal

Donner naissance, donner la vie. Deux expressions synonymes pour beaucoup, dramatiquement différentes pour d’autres. Car certaines mères mettent au monde leur enfant déjà mort, ou qui ne vivra que peu. Cet enfant disparaît souvent avant même d’avoir été reconnu et accepté en son sein par l’entourage, par la société. Voyez le dictionnaire, qui accepte veufs et orphelins mais n’accorde aucun statut aux parents qui ont perdu leur enfant. Parents « désenfantés », « paranges », néologismes pour dire le silence et la douleur. Lorsque cet enfant mort était le premier, les parents sont parents, sans en avoir aucun signe extérieur visible.

Cet enfant a pourtant une histoire, une existence, il a été attendu, aimé, pleuré. Les parents ont besoin de l’inscrire dans leur histoire personnelle et familiale, comme tout enfant. Face au silence, la mémoire s’impose, les parents cherchent et trouvent une place à ces tout petits.L’absence de rites autour de cette mort périnatale oblige chacun à trouver son propre chemin. De nombreuses familles ont ainsi au sein de leur maison un espace de mémoire, un espace de présence de l’absence. C’est une mémoire vive, pour dire de ne pas oublier le frère, la sœur, le fils, qui n’est pas là physiquement, que personne n’a entendu rire, mais qui est présent dans les cœurs.

Nadine. Lionel, 27 ans après.
Nadine. Lionel, 27 ans après.

« Mémoire vive » est une suite de rencontres avec des parents, grands parents, fratries, qui ont accepté de partager une grande intimité. Ils ont connu la mort d’un tout petit il y a 3 mois, 3 ans, 30 ans… Quelles que soient les différences, une constante : l’affirmation que la présence de ces morts ne doit pas être vue comme « pathologique », mais qu’elle est souvent, simplement, une invitation à parler d’eux, à ne pas les oublier, à prononcer ce prénom : Rémy, Romain, Iris… Comment organiser ces photographies ? Peu importe les raisons de la mort de l’enfant, l’âge des parents, leur « catégorie socioprofessionnelle », le temps depuis lequel cet enfant est absent. La douleur est la même. Il est impossible de graduer, inutile de catégoriser. Quel classement choisir alors ? Celui qui reflète le plus leur histoire. Le hasard. Hasard du « pourquoi nous ? » et hasard des rencontres.

Bulle et Thierry. Violette, 3 ans après. " "« Violette, petite fée de nos jours, Tu es partie voilà trois ans déjà, voilà trois ans seulement La terre a continué de tourner, et tout le monde a oublié. Des amis sont partis, la famille n’a pas compris et nous nous sommes sentis complètement abandonnés dans une solitude morale très forte. Voilà pourquoi papa et moi avons eu une soif de reconnaissance exacerbée à ton égard. Finalement, tu n’existes nulle part ailleurs que dans nos coeurs."Cette soif de reconnaissance était si grande que très vite l’idée d’un tatouage est venue titiller nos esprits. Quand nous nous sommes mariés, nous voulions nos trois enfants à nos côtés, cela en était devenu « vital ». Voilà le pourquoi de ce tatouage, pour que ma chair soit dans ma chair, pour que tu sois gravée en moi telle une cicatrice indélébile, une empreinte à vie. Violette, tu fais partie intégrante de nos vies, de nos corps, de nos coeurs à tout jamais. A toi, notre petite fille au delà de la vie."
Bulle et Thierry. Violette, 3 ans après.

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Le contexte du reportage Mémoires Vives

Lire l’article de Libération – page 1

Lire l’article de Libération – page 2

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